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Dragon Age face à EA : autopsie d’un divorce créatif qui fait mal

Dragon Age face à EA : autopsie d’un divorce créatif qui fait mal

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finalbossMay 29, 2025
6 min read

Il suffit parfois qu’un ancien scénariste en chef s’exprime pour raviver toute la frustration autour d’une saga. David Gaider, figure centrale de la narration de Thedas, n’a pas mâché ses mots sur ce que Dragon Age est devenu sous Electronic Arts (EA). Pour moi, c’est limpide : cette franchise mythique n’a jamais pu s’épanouir pleinement, étouffée par les impératifs du marché AAA. Voir la série glisser vers l’action grand public au détriment de la profondeur narrative, ce n’est pas un hasard, mais le résultat d’un vrai malentendu entre créateurs passionnés et éditeurs focalisés sur la rentabilité. Et franchement, ce divorce créatif reste en travers de la gorge.

Dragon Age : quand la créativité bute sur la logique corporate

  • EA n’a jamais compris la force de Dragon Age : un RPG bâti sur le choix et la narration.
  • Le virage action, amorcé avec Inquisition puis Veilguard, répond plus à des impératifs économiques qu’à une réelle vision artistique.
  • Le triomphe de Baldur’s Gate 3 prouve que le public des RPG exigeants est bien là, pour peu qu’on respecte le genre.
  • L’échec commercial de Veilguard montre les limites d’un modèle AAA déconnecté de sa base de fans.

Qu’on soit clair : je ne suis pas de ceux qui pensent qu’un RPG doit forcément être réservé à une élite ou verbeux à l’excès. Mais Dragon Age, depuis Origins, brillait par la puissance de ses choix, la complexité de ses intrigues et la place centrale laissée au joueur. Cet ADN a été sacrifié sur l’autel de la rentabilité, comme le regrette Gaider, qui a vécu cette mutation de l’intérieur.

Bioware sous EA : la standardisation à tout prix

Quand Gaider compare Dragon Age à la saga Alien (“un reboot de style à chaque épisode”), le constat est amer. Ce n’est pas une évolution naturelle, mais une succession de virages imposés par les urgences économiques. Dragon Age 2 a été comprimé pour des raisons de budget, alors que Star Wars: The Old Republic siphonnait les ressources du studio. Inquisition, sorte de mea culpa, s’est perdu dans l’excès d’open world, multipliant les quêtes génériques et les combats rythmés, mais diluant la magie du choix et de la conséquence.

La dernière goutte ? Veilguard, qui pour beaucoup (moi compris) referme le livre de Thedas. Pas d’extension prévue, et un constat brutal : EA admet que les ventes sont très inférieures aux attentes, près de 50% en dessous. Qui pouvait croire qu’en édulcorant tout ce qui faisait l’âme RPG de Dragon Age, la licence deviendrait un carton mondial ?

EA et Dragon Age : un mariage de raison qui tourne mal

La franchise n’a jamais été la préférée d’EA. Gaider l’avoue sans détour : “Dragon Age n’était pas fait pour EA […] ils ne savaient pas quoi en faire”. À l’inverse, Mass Effect, plus lisse et orienté action, cochait toutes les cases du corporate. Résultat : Dragon Age s’est progressivement transformé en pâle copie, sans jamais convaincre ni les puristes du RPG, ni les amateurs d’action.

Le syndrome du “public cible fantasmé” a encore frappé. EA a tenté d’élargir l’audience en rendant la série plus “accessible”, oubliant que son succès venait justement de sa complexité et de son exigence narrative. Mass Effect 3 a peut-être fait comprendre à EA l’intérêt du public action-RPG, mais pour Dragon Age, le mal était fait. On ne fait pas un plat savoureux en mélangeant l’eau et l’huile…

Baldur’s Gate 3 : la claque venue de Larian

Gaider le rappelle : Baldur’s Gate 3, en assumant son identité de RPG à choix multiples, a prouvé qu’il existe un marché immense pour ce type de jeux. Inutile de tordre la formule pour séduire un “mainstream” qui ne viendra jamais en masse sur un RPG édulcoré. Larian a eu la liberté – et les moyens – de miser sur une vision forte, là où chez EA, chaque projet doit être validé par la machine à calculer corporate, quitte à laisser son âme sur le carreau.

Certains diront que Baldur’s Gate 3 est l’exception qui confirme la règle. Peut-être, mais c’est surtout la preuve qu’en respectant les fondamentaux du genre, on fidélise une audience et on attire de nouveaux joueurs. À l’inverse, diluer un RPG pour plaire à tout le monde… on a vu le résultat avec Veilguard.

Le AAA moderne à l’épreuve de ses limites

L’histoire de Dragon Age sous EA, c’est celle d’un AAA obsédé par l’optimisation, incapable d’oser sur le plan créatif. Ce n’est pas la faute des développeurs, souvent coincés entre les injonctions financières et les attentes de la communauté. Gaider lui-même confesse ne pas avoir pu se résoudre à jouer à Veilguard, tant il est difficile de voir son “bébé” s’éloigner de sa vision d’origine.

À chaque épisode, la saga a été tiraillée entre la nécessité de rentabiliser vite et celle de laisser respirer la narration, de permettre des histoires nuancées et des choix qui comptent. Un bon RPG ne se fait pas à la chaîne. Et c’est exactement ce que la culture corporate d’EA n’a jamais compris.

Quel avenir pour le RPG occidental ?

L’exemple Dragon Age devrait servir de leçon à tous les éditeurs tentés de transformer un RPG complexe en produit grand public. Larian, CD Projekt (malgré ses dérapages), ou Obsidian, prouvent qu’il y a un espace – exigeant, mais rentable – pour des jeux qui assument leur identité. Tant que les grands éditeurs verront le RPG comme un marché à “convertir” plutôt qu’à sublimer, on aura droit à des produits tièdes, sans âme ni saveur.

Un message aux décideurs d’EA et consorts : arrêtez de vouloir transformer chaque licence en blockbuster universel. Laissez les créateurs faire ce qu’ils savent faire – et si ce n’est pas votre truc, passez la main ! En attendant, espérons que le triomphe de Baldur’s Gate 3 suscite une réflexion, et que le prochain baroud d’honneur de Bioware ne soit pas un chant du cygne.

TL;DR

Dragon Age s’est égaré sous EA, sacrifiant ses racines RPG pour l’action et la rentabilité. David Gaider, ex-lead writer, confirme que la rupture entre vision créative et stratégie corporate explique l’essoufflement de la saga. Larian et Baldur’s Gate 3 prouvent qu’un RPG authentique peut triompher, à condition de respecter son identité.

Et vous, croyez-vous que le RPG occidental a encore un avenir chez les géants du AAA, ou seuls les studios indépendants sauront préserver la flamme ? On en débat en commentaires !

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