Accuser Blizzard de plagiat sous prétexte que Warcraft et Starcraft ressemblent à s’y méprendre à Warhammer est presque aussi classique que de croiser des orcs dans un donjon. Pourtant, où s’arrête l’hommage, où commence le copier-coller ? Entre recyclage d’idées, inspirations croisées et rivalités créatives, c’est tout un jeu de miroirs qui façonne la pop culture geek. Aujourd’hui, nous déconstruisons le mythe du « plagiat » et montrons pourquoi, au final, tout le monde en sort gagnant… surtout nous, joueurs invétérés.
1. Chronologie croisée : de Warhammer à Warcraft et Starcraft
Tout commence en 1983 avec la publication de Warhammer Fantasy Battles, suivi en 1987 par le sombre univers de Warhammer 40 000 et ses légendaires Space Marines. Du côté de Blizzard, Warcraft: Orcs & Humans débarque en 1994, puis Starcraft en 1998. La proximité temporelle et thématique a rapidement nourri les rumeurs de plagiat.
Pourtant, comme le soulignait Chris Metzen, l’un des cofondateurs de Blizzard, dans une interview accordée à IGN en 2003 : « Nous aimions Warhammer, mais nous voulions créer notre propre vision, avec des races, un lore et un ton qui nous soient propres. » Cette volonté de se démarquer a conduit à la création d’un univers original, même s’il emprunte parfois des archétypes communs au genre fantasy et SF.
2. De Dune II à Warcraft : la naissance d’un style
Avant d’être un monde de chevaliers et de dragons, Warcraft est né du moteur de Dune II. Les fondateurs de Blizzard, frustrés par l’absence de multijoueur dans le titre de Westwood, ont développé leur propre RTS, d’abord dans un thème médiéval-fantastique. « C’était plus simple de dessiner des orcs que des vers des sables », plaisantait Michael Morhaime lors d’un panel à la GDC 2007.[1] À la croisée de Tolkien, D&D et Warhammer, Warcraft est devenu un monde unique, soutenu par un storytelling riche et des dialogues souvent teintés d’humour.
3. Starcraft et Warhammer 40K : influences croisées
Avec Starcraft, Blizzard transporte son savoir-faire dans l’espace. Humains militaristes (les Terrans), insectoïdes (les Zerg) et secte mystique (les Protoss) évoquent inévitablement les troupes impériales, les Tyranides et les Eldars de Warhammer 40 000. Mais le phénomène est bidirectionnel : après 1998, Games Workshop modernise le design de ses Tyranides en s’inspirant de l’esthétique organique et agressive des Zergs. Andy Chambers, ancien lead designer de Warhammer 40 000, confiait à CorridorDigital en 2015 : « Les Zerg nous ont donné des idées pour rendre nos monstruosités encore plus terrifiantes. »[2]

4. Inspiration mutuelle et circulation des talents
Plusieurs artistes et designers ont travaillé tantôt chez Blizzard, tantôt chez Games Workshop. Les échanges informels, les conférences communes et même les rencontres aux conventions ont favorisé un dialogue créatif. Les références partagées à Tolkien, Starship Troopers ou encore à la mythologie nordique sont autant de points de convergence plutôt que de reproches de plagiat.
Dans Starcraft II: Wings of Liberty (2010), l’unité « Thor » des Terrans rappelle les titans de Epic 40 000– et les Orks du même univers reprennent parfois les codes visuels de l’Alliance dans World of Warcraft. Ce va-et-vient constant montre que chacun prend, remixte et rend à la communauté un univers enrichi.
5. Citations de développeurs et presse spécialisée
- Chris Metzen (Blizzard) à IGN, 2003 : « Nous avons grandi avec Warhammer, mais nous avons voulu créer autre chose. L’inspiration, oui, mais pas la copie. »
- Michael Morhaime (Blizzard) à GDC, 2007 : « Sans Dune II, pas de Warcraft. Sans imagination, pas d’univers. »
- Andy Chambers (Games Workshop) à CorridorDigital, 2015 : « Les Zerg nous ont donné des idées pour rendre nos Tyranides encore plus funestes. »
Selon un dossier de PC Gamer (2019), les développeurs des deux camps se respectent et évitent soigneusement les procès, car ils savent que l’héritage geek est un terrain de jeu infini où l’échange est la norme.
6. Exemples concrets en jeu
– Warcraft III (2002) et la meute de worgens, inspirée par les loups-garous de la mythologie, mais aussi par les créatures bestiales de White Dwarf Magazine (Games Workshop).
– Dawn of War (2004) et son chapître Ultramarines, clin d’œil assumé aux chevaliers pérégrins dans World of Warcraft.
– Les héros Protoss chargés de mana psychique, un écho aux psykers impériaux de Warhammer 40 000 tout en développant une mécanique de jeu unique.

7. Entre hommage et pillage : où tracer la ligne ?
La frontière entre hommage et plagiat est aussi floue qu’un plan en basse résolution. L’innovation naît souvent du brassage d’idées. Tolkien empruntait la mythologie nordique, jeux de rôle et littérature pulp ; Games Workshop mariait SF et dark fantasy ; Blizzard remaniait tout cela dans sa propre marmite.
« Le vrai scandale serait d’interdire l’inspiration », résume l’historien du jeu vidéo Mathieu Triclot dans son essai L’Âge du Pixel (2016). Blizzard et Games Workshop, chacun à leur manière, ont su transformer leurs influences en univers pérennes, riches de récits, de personnages et de cultures distinctes.
Conclusion : un cercle vertueux
Ni Warcraft n’est un vulgaire clone de Warhammer, ni Starcraft une pâle copie de 40 000. Les deux sagas se sont nourries l’une l’autre et d’une longue tradition fantasy/SF. Cette émulation créative, loin de nous voler, nous offre des mondes foisonnants où l’on se perd… et revient toujours avec enthousiasme.
Alors, plutôt fan de héros orcs bardés d’armure encombrante ou d’armadas impériales vrombissantes ? Quel univers vous inspire le plus ? Partagez votre point de vue en commentaire !